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De l'impossibilité des cartes


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"J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources :


Mon pays natal, le berceau de ma famille, la maison où je serais né, l’arbre que j’aurais vu grandir (que mon père aurait planté le jour de ma naissance), le grenier de mon enfance empli de souvenirs intacts…


De tels lieux n’existent pas, et c’est parce qu’ils n’existent pas que l’espace devient question, cesse d’être évidence, cesse d’être incorporé, cesse d’être approprié. L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête."


Georges Perec, Espèces d'Espaces

"Pour l'humain en particulier comme en général pour le vivant la réalité n'est pas cet universel objectal que toise le dualisme moderne ; dans l'histoire humaine comme dans l'histoire naturelle (l'évolution), elle est contingemment institutée par une relation concrète et dynamique - cela que Watsuji nomme fudosei - entre chaque être (individu, société ou espèce) et son environnement. Dans le milieu comme dans l'Umwelt existent concrètement des choses, pas des objets dans l'abstraction de l'univers (l'Umgebung).

(...)


Autrement dit, la carte naît du territoire, mais aussi le territoire de la carte. (...) En revanche, que la carte et le territoire s'engendrent mutuellement pourrait illustrer le principe de la coproduction conditionnée, ce concept central du bouddhisme du Grand Véhicule qui a beaucoup à voir avec le tétralemme.


Dans une telle corrélation, tant la carte que le territoire transgressent leurs propres limites : la carte devient la condition du territoire, qui la conditionne en retour, et ils forment donc ensemble une certaine réalité, qui dépasse leur substance respective. "


Augustin Berque, La transgression des cartes


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